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lettres oubliées de 14-18 skip to content accueil lettres | le projet l’histoire d’une famille chronologie illustrations cartes postales photographies d’époque première guerre mondiale 1914-1918 ← older posts 12 novembre 2011 lettre du 1er mai 1917 d’emilie sibaud vincennes, le 1er mai 1917 mardi soir 10h ½ je viens de quitter la fenêtre quelle belle soirée, le ciel est claire et parsemé d’étoiles, petites étoiles que peut-être dans une manœuvre de nuit tu contemples au même moment que moi ? si ces petites étoiles pouvaient te porter ma pensée, cette nuit douce, trop douce même, serait bien belle si tu étais près de moi. brusquement on se sent transporter de l’hiver au printemps, les marronniers de l’avenue, qui avaient tant tardé, sont maintenant tout en fleurs. c’est la première fois depuis 6 ans que je n’ai pas la joie de te savoir près de moi dans cette saison nouvelle, je ne jouis pas cette année du printemps, le bois n’a pas d’attrait pour moi, cela devait être beau, cette nuit dans la campagne ces fusées de toutes les couleurs, dont tu me parles dans la manœuvre de nuit. nous avons été au bois toute l’après-midi, à notre place habituelle, yves s’est beaucoup amusée, et ce soir en rentrant il a été très gentil. comme je venais de lui faire sa toilette de nuit et qu’il finissait son dîner sur mes genoux, sœurette s’est mise à réclamer son dîner, yves faisait le câlin, et de lui-même, quoique comme récompensé de sa sagesse de la journée, il devait s’endormir sur mes genoux, il m’a offert d’aller dans son lit avec un livre pour que je puisse prendre la plus petite « dot ». j’ai trouvé cela très gentil de sa part, car tu sais combien il aime s’endormir près de moi. je lui ai dit que je t’écrirais cela. ils dorment tous les deux… j’en profite pour relire encore une fois ta chère longue mettre. en effet j’avais recollé ma lettre, celle-ci la toute petite enveloppe, à propos de clichés, l’autre jour étant seule devant notre vieux secrétaire, je me suis mise à regarder les anciens clichés, que de beaux souvenirs renferme ce petit tiroir ! ta mère m’a dit que germaine blanchard attendait un bébé pour le mois d’octobre, je crois. puisque je potine, tu te souviens d’avoir entendu parler des vautrances chez mon oncle ? et bien celui qui a 5 enfants est revenu de chine, il est commandant et était à craonne. je crois qu’il est colonial, il paraît que son régiment a beaucoup souffert. quand donc cette guerre finira-t-elle ? ce que tu me dis pour les sénégalais est intéressant, mais je me demande si le front français n’est pas plus dur. sœurette a fait la conquête de la famille bertin, même la plus grande des jeunes filles s’est arrêtée et m’a demandé de venir la voir. il paraît qu’on ne l’entend jamais pleurer, ils l’ont trouvé « aussi jolie que son petit frère ». a propos pour sa voiture, je trouve aussi très jolie la capote garnie comme tu dis. tu me parles du service d’été, je pourrai peut-être t’envoyer des chaussettes, en tout les cas, elles te serviront toujours en les prenant blanches, n’est-ce pas ? n’as-tu pas besoin de ton autre tricot ? ne te découvre pas trop vite, c’est vrai que nous voici le 1er mai… 1er mai, j’aurais voulu y’envoyer du muguet, je n’ai pu en trouver ce matin. vincennes est un pays de sauvage. au fait, je recommence à recevoir tes lettres le matin, cela m’a été une agréable surprise. tu es bien indulgent et bien aimable de ne pas vouloir croire que je deviens vieille. le souvenir que m’évoque pour moi le gentil nom de « dot » m’est bien agréable. cette bonne soirée que nous avons passée seul tous deux restera marquée toujours dans ma mémoire. comme j’étais heureuse ce jour-là, blottie contre toi dans l’auto qui nous ramenait à vincennes. cette pièce était charmante, puisse le grillon que tu as entendu chanter au cours d’une manœuvre nous être aussi favorable qu’aux deux héros, de la pièce, je ne demande pas plus que leur bonheur tranquille avec dans le lointain « des petits dot et des petits toto ». je te quitte mon chéri, je vais m’endormir avec le souvenir de cette bonne soirée, peut-être un beau rêve viendra-t-il pour quelques instants charmer mes pensées. peut-être croirai-je être encore à l’heureux temps où je t’avais près de moi. je t’embrasse mille et mille fois bien tendrement. tout à toi emilie meilleures caresses de nos chers petits. amitiés des mamans. commentaires fermés sur lettre du 1er mai 1917 d’emilie sibaud filed under lettres d'emilie sibaud tagged as 1917 , arrière , colonial , craonne , enfants , guerre , lettre , manoeuvre , mémoire , printemps , sénégalais , souvenirs , vie quotidienne 12 novembre 2011 11 novembre 1918 bientôt oublié ? chers lecteurs, il est rare que je m’adresse à vous directement, ce site étant voué avant tout à vous présenter sans polémique ni interprétation une correspondance de guerre entre un mari et sa femme. mais le 11 novembre est une date importante, une date de souvenirs et de mémoire. sortons nos livres d’histoire : l’armistice , signé le 11 novembre 1918, à 5 h 15, marque la fin des combats de la première guerre mondiale (1914-1918), la victoire des alliés et la capitulation de l’allemagne. le cessez-le-feu est effectif à onze heures, entraînant dans l’ensemble de la france des volées de cloches et des sonneries de clairons annonçant la fin d’une guerre qui a fait plus de 18 millions de morts et des millions d’invalides ou de mutilés. les généraux allemands et alliés se réunissent dans un wagon-restaurant aménagé provenant du train d’état-major du maréchal foch, dans la clairière de rethondes, en forêt de compiègne. emilie sibaud, l’héroïne involontaire de ce site, ne cesse dans sa correspondance de souhaiter la fin de cette guerre, « quand finira-t-elle ? », quand retrouvera-t-elle son mari, sa vie de famille, sa tranquillité ? alors oui aujourd’hui le dernier survivant est mort, est-ce l’occasion de reléguer au second plan 14-18 au profit d’une journée consacrée « aux morts pour la france » ? sincèrement je n’espère pas. pas parce que je suis arrière-petite-fille d’un poilu, mais parce que, quoi qu’on en dise, les journées de commémoration permettent aux plus jeunes d’apprendre et aux autres de ne pas oublier. je me souviens petite-fille au primaire où quelques jours avant le 11novembre notre institutrice nous demande d’écrire quelques mots sur ce que représente cette date. certes mes parents nous avaient fait découvrir verdun, les cimetières du nord, l’ossuaire de douaumont, mais tous les enfants n’ont pas cette chance. il me semble que c’est à cet instant que la république a son rôle à jouer. ne pas oublier 14-18, c’est se souvenir d’une génération sacrifiée, des erreurs du passé, des espérances aussi, des hommes et des femmes dont la vie a été bouleversée, d’enfants nés sans la présence de leur père, etc. reprenant les propos d’un invité sur le plateau de france 2 ce matin, commémorer le 11 novembre, c’est aussi apprendre une histoire parfois encore à étudier et à découvrir, notamment le rôle des colonies et des antilles (surtout lorsque son arrière-grand-père a commandé un régiment sénégalais… et que l’on sait à quel point il tenait à ses hommes). en réalisant ce site, j’espère participer à ce devoir de mémoire, j’espère faire survivre l’histoire d’amour d’un jeune couple marié, l’histoire très simple d’une famille séparée par la guerre, l’histoire d’yves et marcelle, deux enfants de la guerre, d’une femme désemparée loin de son amour de toujours, d’un homme loin des siens face aux dangers. pensons à l’ouverture d’un musée dédié à la grande guerre à meaux, pensons au centenaire du début de la guerre en 2014 et espérons que cela servira à faire perdurer une mémoire qui n’existe aujourd’hui plus que par témoignages. aujourd’hui je pense à ma grand-mère , aux leçons qu’elle m’a données, à sa sagesse et parfois sa folie, à son innocence aussi. ce qu’elle m’a transmis, je veux le transmettre à mon tour ; écrire pour que l’oubli ne l’atteigne pas. emilie-charlotte françois co